Elles étaient délaissées depuis plus de cinq ans. Mais depuis début 2025, les petites capitalisations boursières — ou small caps — retrouvent des couleurs en Europe. Moins exposées à l’international, plus réactives, souvent innovantes, elles pourraient bien amorcer un nouveau cycle de surperformance face aux grandes valeurs. Décryptage d’un mouvement que Lazard Frères Gestion juge structurel.
Des fondamentaux qui s’alignent pour un rebond
Depuis 2018, les small caps européennes n’étaient plus à la fête. Pénalisées par la montée des taux, des liquidités moindres et un désintérêt général des investisseurs institutionnels, elles ont vu leurs valorisations s’éroder progressivement. Mais depuis janvier 2025, elles surperforment les grandes capitalisations, un retournement salué dans la dernière note de Lazard Frères Gestion.
Trois facteurs expliquent ce revirement :
– d’abord, leur faible exposition aux marchés américains, en particulier face à la montée du protectionnisme de l’administration Trump II. Là où les grandes multinationales européennes subissent les hausses de droits de douane, les small caps centrées sur leur marché domestique sont épargnées ;
– ensuite, l’effet du plan de relance allemand, doté de plus de 90 milliards d’euros pour stimuler l’investissement industriel. De nombreuses PME cotées en Allemagne, Autriche et Pays-Bas bénéficient directement de cet afflux de commandes ;
– enfin, une dynamique bénéficiaire bien supérieure : +15 % de croissance des résultats attendue en 2025, contre seulement +2,5 % pour les grandes valeurs (source : Bloomberg).
Résultat : les indices comme le MSCI Europe Small Cap ou le CAC Mid & Small battent désormais le Stoxx 600, inversant une tendance vieille de plusieurs années.
Des valorisations attractives, des structures plus souples
Sur le plan des multiples, le potentiel de revalorisation est tangible. Selon les données de Kepler Cheuvreux, les small caps européennes se traitent en moyenne à 11,5 fois les bénéfices attendus, contre plus de 14 fois pour les grandes capitalisations. Un écart historiquement bas, qui reflète encore la prudence des investisseurs… et une opportunité pour ceux qui ont le temps d’attendre.
Autre atout : leur agilité stratégique. Dans un environnement réglementaire mouvant, fiscalement instable, et marqué par la fragmentation géopolitique, les petites entreprises cotées disposent de chaînes de décision plus courtes, d’une capacité d’adaptation rapide et d’une proximité avec leurs clients difficile à égaler pour les mastodontes.
Elles sont également souvent les premières bénéficiaires des transitions sectorielles : PME du BTP décarboné, fabricants de capteurs intelligents, fintechs régionales, biotechs ciblées… Autant de niches mal couvertes par les analystes, mais riches en relais de croissance.
Pour les gérants actifs, c’est un terrain de jeu privilégié. D’autant que le regain d’intérêt pour les valeurs décotées (value) redonne une prime aux stratégies fondamentales, loin de la chasse aux mégacaps de l’IA menée en 2023-2024.
Un pari encore risqué, mais potentiellement cyclique
Le regain d’intérêt pour les small caps ne va toutefois pas sans risque. Leur liquidité reste faible, ce qui rend les mouvements de marché plus volatils. Leurs marges sont souvent plus sensibles aux coûts de financement ou aux hausses de salaires. Et leur faible couverture par les analystes implique un degré d’opacité plus élevé.
Mais c’est précisément ce désamour passé qui crée les conditions d’un rebond durable. Historiquement, les phases de retour des small caps coïncident avec le début de nouveaux cycles de croissance économique domestique, comme ce fut le cas en 2003 ou en 2013. Plusieurs signaux — comme le retour des flux vers les fonds small/mid caps en France et en Allemagne — confirment ce changement de perception.
Pour Lazard Frères Gestion, "les small caps ne sont plus une classe d’actifs satellite, mais redeviennent centrales dans une stratégie d’investissement européenne diversifiée, orientée vers la reprise locale".
À condition d’être sélectif, patient et bien accompagné, l’investisseur averti pourrait bien y trouver des poches de performance durable. Un retournement qui, cette fois, pourrait ne pas être qu’un feu de paille.