Le dernier World Wealth Report de Capgemini confirme une double accélération : le nombre de personnes fortunées atteint un nouveau record mondial, et leur richesse se concentre toujours davantage. Au-delà des chiffres, une redistribution générationnelle s’annonce : 83 500 milliards de dollars vont changer de mains d’ici vingt ans.
Record historique des patrimoines privés
C’est une tendance qui semble s’immuniser contre les cycles économiques : la croissance du nombre de millionnaires dans le monde se poursuit à un rythme soutenu. En 2024, 23,4 millions de personnes disposaient d’un patrimoine financier supérieur à un million de dollars, hors résidence principale. Leur fortune cumulée atteint désormais 90 500 milliards de dollars, soit une progression de 4,2 % sur un an, selon le World Wealth Report 2025 de Capgemini.
Le moteur principal de cette dynamique ? La performance exceptionnelle des marchés actions, dopée par la croissance économique américaine et l’euphorie autour de l’intelligence artificielle. Les indices Nasdaq, S&P 500 et Dow Jones ont tous signé de nouveaux records l’an dernier, propulsant mécaniquement les patrimoines investis en actions. Cette croissance ne concerne pas seulement les riches, mais surtout les ultra-riches : les patrimoines supérieurs à 30 millions de dollars ont crû de 6,2 %.
Géographiquement, les États-Unis concentrent cette dynamique avec 562 000 nouveaux millionnaires en un an (+7,6 %), portant leur total à près de 8 millions. En revanche, l’Europe marque le pas : la stagnation économique y fait perdre 21 000 millionnaires à la France, et le continent recule globalement de 2,1 %. Seule consolation : les ultra-riches européens progressent, signe d’une concentration croissante du capital entre les mains de quelques-uns.
Une génération va hériter de 83 500 milliards
Derrière ces chiffres spectaculaires se dessine une mutation structurelle : la plus grande transmission patrimoniale de l’histoire est en marche. D’ici vingt ans, plus de 83 500 milliards de dollars vont être transmis à une nouvelle génération d’héritiers. Ces derniers ne sont plus les rentiers d’hier, mais des profils connectés, ultra-informés, et souvent accompagnés de conseillers familiaux, de banquiers privés ou de cabinets en gestion de fortune.
Cette évolution redistribue les cartes dans le secteur du patrimoine. D’une part, elle redéfinit les besoins d’ingénierie patrimoniale : donation transfrontalière, fiscalité successorale, portage d’actifs non cotés, philanthropie structurée. D’autre part, elle renforce l’intérêt pour les investissements à impact, l’immobilier prime, les actifs alternatifs et les stratégies de diversification internationale.
L’enjeu est également psychologique : le rapport à la richesse évolue, notamment chez les jeunes fortunés. Plus enclins à s’intéresser à la durabilité, à l’innovation ou à la crypto, ils bousculent les pratiques patrimoniales traditionnelles. Pour les professionnels de la gestion privée, cela signifie adapter l'offre : digitalisation, transparence accrue, alignement des valeurs, conseil sur mesure.
Pour les investisseurs : quelles implications ?
Cette concentration de richesse et cette transmission imminente représentent une opportunité et un défi. Opportunité, car l’afflux de capitaux alimente les marchés : private equity, fonds thématiques, produits structurés, patrimoine immobilier de prestige… les flux s’intensifient sur les segments haut de gamme. Défi, car la volatilité macroéconomique impose de répondre avec agilité aux attentes d’une clientèle de plus en plus sophistiquée et mobile.
Enfin, les chiffres rappellent que la finance privée devient un pilier stratégique de la gestion mondiale des flux de capitaux. Pour les investisseurs institutionnels comme pour les family offices, il est désormais essentiel d’intégrer la dynamique démographique et intergénérationnelle dans les allocations d’actifs et les anticipations macrofinancières.